Peut-on réellement mourir de rire ?

L'expression "mort de rire" est aujourd’hui bien connue, surtout qu’il a rejoint le vocabulaire usuel des réseaux sociaux sous l’acronyme familier “MDR”. La formule est utilisée pour décrire une hilarité intense face à une situation ou à un élément très comique. Mourir de rire signifie ainsi trouver quelque chose si drôle que le rire devient fou, incontrôlable, impossible à arrêter, tant et si bien qu’on finit par en décéder, de façon imagée bien entendu. Sauf qu'une issue littérale et fatale est aussi possible.

D’un point physiologique, le fou rire pousse le corps dans ses retranchements. Les muscles des côtes se contractent de façon permanente, de même pour les abdominaux et une ribambelle de muscles du ventre, ce qui explique, entre autres, pourquoi on peut rire jusqu’à se faire pipi dessus (la vessie, continuellement sous pression, finit par lâcher un peu de son contenu). Le diaphragme, facilitateur de la respiration, se trouve lui aussi bloqué par tout cet effort physique. La respiration, justement, devient saccadée et des épisodes d’apnée irrépressibles peuvent même avoir lieu si l’accès de rire est assez violent. Le cœur, lui, s’emballe et monte dans les tours tandis que le visage du rieur est contracté, sa mâchoire distendue, bref, il vit un moment intense dans tous les sens du terme.

Si un corps jeune et/ou sain saura amplement tolérer de telles intensités, c’est une autre paire de manches pour les personnes malades ou fragiles, surtout si le fou rire persiste dans la durée. Poussé dans ses limites, le corps peut ainsi faire une crise cardiaque à cause d’une anomalie congénitale ou suite à une tachycardie. Il peut aussi faire une rupture d’anévrisme (éclatement d’une dilatation située sur une artère déjà fragilisée) ou encore s’asphyxier en faisant une crise d’asthme (essoufflement et difficultés à respirer) ou, tout simplement, parce que reprendre son souffle devient impossible. En riant trop, il est aussi possible de mourir étouffé par un aliment si l’on est en train de manger.

La possibilité de mourir de rire a également fait l’objet d’une étude très sérieuse menée par deux pharmacologues britanniques. Ils ont épluché 67 ans de publications scientifiques (de 1947 à 2013) et ont publié en 2013 le résultat de leur étude qui est sans équivoque : oui, on peut tout à fait rendre l'âme en riant trop, même s’il faut tout de même mitiger ce résultat en gardant en tête que 75 % des cas relevés dans l’étude sont des cas cliniques, autrement dit, relatif à une maladie qui induisait le rire.

Terminons sur une note positive : le rire reste tout de même excellent pour la santé, notamment pour la santé mentale, en réduisant l’anxiété et en améliorant la circulation sanguine, sans parler de tout un tas d’hormones, comme les endorphines (hormones du bonheur) et la dopamine (hormone du plaisir), qui sont sécrétées lorsqu’on rit de bon cœur. Et que les hypocondriaques se rassurent également : si mourir de rire est en effet possible, les cas sont vraiment rares et résultent en réalité de la concomitance de plusieurs facteurs et non du fou rire en lui-même.