Une start-up simule une fausse IA avec... des centaines de travailleurs indiens

La start-up britannique Builder.ai est au cœur d'un scandale retentissant : sa célèbre intelligence artificielle "Natasha" était en réalité un écran de fumée, géré par des centaines de développeurs en Inde. Voici le résumé factuel d'une affaire qui a fait trembler l'écosystème tech en 2025.
Fondée en 2016 par Sachin Dev Duggal, l'entreprise Builder.ai promettait de rendre la création d'applications « aussi simple que de commander une pizza ». Grâce à Natasha, qualifiée d'IA révolutionnaire, l'entreprise a attiré des investissements majeurs – Microsoft et le fonds souverain du Qatar parmi les plus en vue – pour culminer à une valorisation proche de 1,5 milliard de dollars, devenant alors une start-up licorne.
Mais la chute fut rapide. En 2024, Builder.ai annonce un chiffre d'affaires de 220 millions de dollars, bientôt dénoncé comme surévalué par un audit indépendant, évaluant la réalité à 55 millions de dollars. Une enquête de Bloomberg révèle l'usage d'une technique de "round-tripping" où des factures fictives sont échangées avec une société partenaire, VerSe Innovation (propriétaire de l'appli Dailyhunt) pour gonfler artificiellement les revenus.
En conséquence, les créanciers, dont Viola Credit, saisissent 37 millions de dollars de fonds, précipitant l'entreprise en banqueroute début mai 2025. Mais le plus gros du scandale restait à venir.
C'est alors qu'émergent les révélations les plus surréalistes : Builder.ai ne reposait pas sur une IA autonome, mais sur une équipe de près de 700 ingénieurs en IA établis en Inde, peinant à reproduire en direct ce que Natasha était censée générer, tout en laissant croire aux clients que les réponses venaient d'un algorithme. Ce stratagème, souvent comparé à l'illusion de la "Mechanical Turk" – une supercherie historique du XVIIIe siècle où un automate joueur d'échecs dissimulait un véritable maître joueur à l'intérieur – a fait l'effet d'un coup de tonnerre dans les milieux tech.
Aujourd'hui, Builder.ai compte plusieurs millions de dollars de dettes, notamment 85 millions de dollars envers Amazon et 30 millions de dollars envers Microsoft, tandis que des enquêtes fédérales sont en cours aux États-Unis.
Cette affaire peut être considérée comme une mise en garde : l'étiquette "IA" n'est pas toujours la garantie d'une technologie réelle. Derrière la technologie se cache parfois une armée d'humains qui tapent sur des claviers pendant qu'on vous vend un rêve d'algorithmes. Cette affaire rappelle que la frontière entre automatisation et intervention humaine peut être bien plus floue qu'on ne l'imagine, et qu'il est sage de questionner ce qui se cache derrière les promesses séduisantes de certaines start-up. Ce sera peut-être un tournant, incitant les investisseurs à être plus prudents à l'avenir, lorsqu'il s'agira d'entreprises technologiques.














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