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L'affaire Carlos Ghosn : fait divers ou film d'action ?
Il a côtoyé les sommets, trônant aux postes les plus élevés chez Renault ou Nissan, mais le voilà désormais fugitif, réfugié au Liban après une évasion controversée du Japon. Lui, c'est Carlos Ghosn. L'ancien patron, qui croule sous les accusations, nie toutes fraudes et accuse même les autorités judiciaires nippones de complot. Retour sur cette histoire, qui frôle l'irréel par moment.
Ghosn, le patron le plus influent de l'industrie automobile
Carlos Ghosn est né au Brésil, en 1954, de parents d'origine libanaise. Il possède la triple nationalité franco-libano-brésilienne, et donc autant de passeports, ce qui n'est pas sans importance pour la suite de l'histoire.
Diplômé de la prestigieuse École des Mines de Paris, il entre chez Michelin en 1978, une entreprise dans laquelle il restera 18 ans et où il gravira les échelons rapidement. En 1990, avec des accords drastiques et un plan de restructuration strict, il permet le redressement de la firme française qui ne tarde pas à devenir le premier manufacturier de pneus du monde.
Cette faculté à rééquilibrer les finances des grandes entreprises devient sa marque de fabrique, avec presque à chaque fois, des programmes de réductions des coûts et des coupes d'effectifs violentes qui lui valent l'hostilité des ouvrier et l'admiration des patrons.
Il entre chez Renault en 1996 en tant que directeur général adjoint, puis se charge de l'alliance Renault-Nissan de 1999. Deux ans plus tard, il est nommé PDG de l'entreprise japonaise, pour laquelle il imaginera un plan de redressement spectaculaire qui portera ses fruits, alors que la firme est au bord de la faillite.
De ses réussites, Carlos Ghosn tire un certain prestige dans le monde du business, une rémunération à la hauteur de sa réputation (avec 15 millions d'euros de salaire en 2018) et il est à ce moment-là l'un des plus puissants patrons d'industrie.
Accusation, emprisonnement et évasion
C'est donc avec une certaine stupeur que la presse relaie, le 19 novembre 2018, l'arrestation de Carlos Ghosn sur le tarmac de l'aéroport d'Haneda, à Tokyo. Il est d'abord accusé d'abus de biens sociaux (il aurait utilisé des fonds de Nissan pour son propre bénéfice) puis soupçonné de fausses déclarations de revenus. Plus l'affaire avance, plus les suspicions de fraudes sont nombreuses, avec des accusations d'emplois fictifs, de transferts de dettes privées sur les comptes de Nissan et d'achats immobiliers douteux.
Ghosn nie absolument tout, mais il se retrouve incarcéré à la prison Kosuge de Tokyo dans des conditions drastiques propres au système carcéral japonais. Traité comme un détenu ordinaire, mis sous pression avec des gardes à vue prolongées et des interrogatoires fréquents, sans la présence d'avocats, l'ancien patron (démis de ses fonctions après le début du scandale) s'insurge de ses conditions de détention et clame que tout n'est que complot et coup monté.
Il parvient à obtenir une libération sous surveillance une première fois, contre une caution de 8 millions d'euros, avant d'être à nouveau emprisonné. Une seconde demande de libération sous caution est ensuite acceptée le 25 avril 2019, mais Carlos Ghosn doit se plier à des conditions d'assignations à résidence très stricte, dans l'attente d'un procès à venir.
Il ne peut pas voir sa femme, n'a le droit d'utiliser Internet qu'avec ses avocats et ne peut évidemment pas quitter son domicile sans une requête préalable. Une privation de liberté trop dure pour celui qui régna sur le secteur automobile pendant plus de 20 ans. En tout cas, si l'on en croit son évasion rocambolesque le 29 décembre 2019, qui l'a vu se réfugier au Liban.
Une fuite qui ulcère le Japon
Si les circonstances de son évasion restent floues, il semble que Ghosn se soit dissimulé dans une malle à instrument de musique pour quitter le Japon, à bord d'un jet privé. Celui-ci aurait transité par la Turquie, avant d'atteindre le Liban dans lequel il est le bienvenu.
Un tournant inattendu dans cette affaire, qui a rendu les autorités japonaises folles de rage. Qualifié tour à tour de fugitif, de hors-la-loi et de lâche par certains médias, Ghosn s'est également attiré les foudres de la Ministre de la Justice de l'archipel nippon - Masako Mori – qui lui reproche une attitude inexcusable et qui l'accuse de propager de fausses informations, notamment sur le système judiciaire du pays.
Peu lui importe, c'est depuis le Liban - qu'il n'a pas le droit de quitter pour l'instant - que Carlos Ghosn à donné sa première conférence de presse en cavale. Un show de 2h30, dans lequel il s'en est pris à Nissan et à la justice japonaise, en se plaçant une nouvelle fois comme victime de cette affaire. Dans la foulée, des producteurs de films s'intéressent de près à cette histoire fascinante, qui pourrait bien être adaptée pour le cinéma ou la télévision.
Que doit-on penser d'un comportement visant à se soustraire à la loi, qui n'a été rendu possible que par un pouvoir médiatique puissant et par un réseau qui l'est certainement tout autant ? Dans une affaire de ce type, un citoyen lambda n'aurait eu d'autre choix que d‘attendre patiemment son jugement. Carlos Ghosn semble avoir eu un peu plus de chance.
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