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La nouvelle course aux voyages dans l'espace

L’espace, longtemps chasse gardée des agences publiques, est désormais la proie de sociétés privées. Si certaines envisagent de baisser le coût du kilo mis en orbite, d’autres ont des ambitions pour l’être humain. Avec des problèmes juridiques et philosophiques sur l’appropriation de ce qui se trouve hors de la très proche banlieue du sol terrestre.

Il y a 100 ans, seuls les plus fous et les plus privilégiés pouvaient se permettre de voyager en avion. Il y a une cinquantaine d’années, l’avion était devenu accessible à presque tout le monde, même s’il restait l’apanage d’une minorité aisée. Le voyage spatial est-il en train de suivre une pente similaire ?

Le vol spatial, histoire courte et longue à la fois

Le vol spatial habité est à la fois une histoire longue et une histoire brève. Brève, car, après tout, Gagarine à bord de Vostok 1, c’était il y a moins de 60 ans seulement. Une paille à l’échelle de l’histoire de l’humanité. Et longue également car, si les progrès ont été fulgurants à leurs débuts, émulés par la compétition malsaine de la guerre froide, ils ont ralenti depuis la fin des missions Apollo en 1972.

Malgré le lancement en 1973 de Skylab, l’ancêtre de la station spatiale internationale, l’explosion de la navette Challenger en 1986 a mis un sérieux coup de frein à la présence humaine dans l’espace. Alors que, dans les années 70, on imaginait qu’en 2018 la planète Mars serait colonisée en permanence depuis longtemps, on voit qu’il n’en est rien et que les progrès visibles par le grand public sont finalement très faibles.

L'espace, nouvelle destination commerciale et touristique

Alors que l’exploration spatiale a longtemps été réservée aux agences publiques en raison des moyens énormes qu’elle nécessite, des acteurs privés sont entrés en lice. Ceux-ci sont issus de multinationales qui se sont illustrées dans d’autres secteurs d’activités. Les principaux acteurs sont au nombre de quatre.

Virgin Galactic
Virgin Galactic est une société créée en 2004 par Richard Branson, le charismatique patron de Virgin. Celui-ci ambitionne de devenir la première "compagnie aérienne" spatiale. Son premier engin spatial, SpaceShipOne, avait au départ été conçu pour Paul Allen, le philanthrope fondateur de Microsoft, avant de tomber dans l’escarcelle de Virgin. Avec le prototype SpaceShipTwo, dont le prototype a pris l’envol en 2010, Virgin espère faire baisser le prix du billet à 30.000 $. Le crash de cet engin en 2014 a reporté le programme. Cependant, Virgin n’abandonne pas son projet et plusieurs personnalités ont déjà réservé leur billet pour l’espace.

SpaceX
SpaceX est la société du milliardaire Elon Musk, surtout connu pour être le patron du constructeur automobile Tesla. Cet homme, réputé pour ses ambitions technologiques multiples, est également célèbre pour son désir de conquête de la planète Mars. Mais comme il faut rester modeste, dans un premier temps, l'homme veut se contenter de rendre l’espace abordable pour les charges utiles. Il affirme qu’il sera possible, à terme, de mettre des objets en orbite au prix défiant toute concurrence de 500 $ par livre. Son premier lanceur, Falcon 1, a décollé en 2006. SpaceX a essuyé plusieurs échecs mais a réussi à devenir un sous-traitant de la Nasa pour l’approvisionnement de la station spatiale internationale avec son lanceur Falcon 9 et le vaisseau cargo Dragon. Ce vaisseau cargo et sa version habitée en développement sont au centre de l’ambition martienne d’Elon Musk. Pour l’anecdote, un débris d’un lanceur de SpaceX a été retrouvé début 2018 sur une île bretonne.

Bigelow Aerospace
Cette société créée en 1999 n’a pas encore d’activité commerciale. Fondée par Robert Bigelow, un magnat de l’immobilier et de l’hôtellerie aux États-Unis, et contrairement aux deux précédentes sociétés, son métier n’est pas le lancement de charges dans l’espaces mais la création d’espaces habitables. Le principe est l’utilisation de modules gonflables. La Nasa, à l’origine de ce concept qui a finalement été abandonné, a conclu un accord avec Bigelow pour l’exploitation des brevets. Pour l’heure, certains prototypes sont déjà en orbite mais à titre expérimental. Bigelow Aerospace continue le développement de sa gamme de modules habitables destinés à des emplacements orbitaux, lunaires ou martiens.

Blue Origin
Cette société, fondée dans le même esprit que SpaceX, existe depuis 2000. Son fondateur n’est autre que Jeff Bezos, le richissime patron d’Amazon. La société a effectué son vol inaugural en 2015 (sans passager). Blue Origin a développé plusieurs moteurs et a réussi à s’imposer dans ce domaine parmi des acteurs historiques, y compris pour des engins autres que ses propres lanceurs. Plusieurs types d’engins sont en développement. La société a son siège près de Seattle mais a pris en location depuis 2015 un pas de tir du centre spatial de Cap Canaveral en vue du lancement prévu en 2020 de son nouveau lanceur, New Glenn, ainsi nommé en mémoire de John Glenn, le premier américain mis sur orbite.

Le futur de la colonisation de l’espace



Par le passé, la colonisation de l’espace était vue comme un objectif planifié, soit par des entités nationales, soit par des organisations internationales. On voit que, désormais, la colonisation spatiale passe pour l’essentiel par des entités privées, d’une manière anarchique, avec des acteurs agissant chacun pour son propre compte et dans un objectif non pas philanthropique ou scientifique mais commercial.

Jusqu’à présent, le droit relatif aux voyages spatiaux s’inspirait du droit maritime dans les eaux internationales. Les objets célestes, comme les terres du continent antarctique et la haute mer, relèvent du "terra nullius", autrement dit "terre de personne". Désormais, avec la multiplication annoncée des vols orbitaux et suborbitaux, l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale cherche à s’adapter en préparant une législation qui doit voir le jour en 2021.

Quant à l’appropriation des objets célestes, les ambitions privées vont au-delà de la prouesse de Philae et Rosetta se posant sur la comète Tchouri à des fins scientifiques. Il s’agit désormais d’en tirer profit, soit par le tourisme, soit par extraction minière. Le gouvernement de Barack Obama a donné le top départ en la matière en 2015 par le vote de la loi Space Act. Les États-Unis ont rompu de manière unilatérale le Traité International de l’Espace, entré en vigueur en 1967, ouvrant ainsi la course à l’appropriation, privée ou pas, de l’espace.

Un nouveau chapitre de la conquête spatiale s’ouvre. Devant les enjeux de cette conquête pour l’avenir de l’humanité, ce chapitre sera vraisemblablement davantage tourné vers la philosophie que vers la science.

Publié par Patrice, le 23 juillet 2018